La Fenêtre de Johari

Ce que vous ignorez de vous-même pourrait être ce qui tire les ficelles

Window and white wall by Amel Majanovic

La conscience de soi est le point de départ de tout vrai changement et souvent le plus difficile à atteindre. Non pas parce que nous ne le voulons pas, mais parce qu’une grande partie de notre monde intérieur opère sous la surface. Nous avons des suppositions que nous avons intégrées, des habitudes que nous n’avons jamais remises en question, et des manières d’être qui nous ont protégé·es autrefois mais qui ne nous servent peut-être plus.

Le changement ne commence pas par des réponses. Il commence par remarquer—en amenant dans notre champ de vision ce qui est resté longtemps invisible. La Fenêtre de Johari est l’un des modèles les plus intuitifs et pratiques pour explorer ce processus.

Qu’est-ce que la Fenêtre de Johari ?

En 1955, les psychologues Joseph Luft et Harrington Ingham ont développé un modèle pour explorer comment nous nous comprenons et comment les autres nous perçoivent. Ils ont combiné leurs prénoms (JO + HARI) pour créer ce qui est devenu la Fenêtre de Johari.

Au cœur du modèle se trouve une grille à quatre cases. Elle cartographie ce qui est connu et inconnu, tant pour nous-mêmes que pour les autres. Elle offre un moyen de visualiser la conscience de soi non pas comme quelque chose de fixe, mais comme quelque chose de relationnel et évolutif.

Diagram of Johari-Window

Les quatre quadrants sont :

  • Zone Ouverte – Ce que vous savez de vous-même et que les autres voient aussi. C’est l’espace partagé : comportements, préférences, histoires ou traits qui sont visibles et reconnus.
  • Zone aveugle (Angle Mort) – Ce que les autres voient en vous, mais que vous ne voyez pas. Ce sont souvent des schémas ou des traits de caractère dont vous n’êtes pas conscient·e, mais qui façonnent peut-être vos relations plus que vous ne le réalisez.
  • Zone Cachée – Ce que vous savez, mais choisissez de ne pas partager. Cela peut inclure des peurs personnelles, des expériences passées ou des conflits intérieurs. Des parties de vous-même qui restent privées, vulnérables, ou simplement pas prêtes à être révélées.
  • Zone Inconnue – Ce que personne ne sait encore, pas même vous. Forces latentes, blessures inconscientes, désirs non formulés. C’est le terrain de la découverte, où le développement et la transformation commencent souvent.

Ce qui rend la Fenêtre de Johari si robuste, c’est sa simplicité. Mais comme beaucoup de modèles simples, elle pointe vers quelque chose de plus complexe : être vu·e, par nous-mêmes et par les autres, est rarement facile mais souvent essentiel.

Pourquoi c’est Important (et ce que cela Révèle)

La conscience de soi a longtemps été reconnue comme centrale au développement de soi. Comme Carl Jung l’a observé, « Jusqu’à ce que vous rendiez l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous l’appellerez le destin. » La Fenêtre de Johari offre un moyen concret de commencer ce travail de découverte.

Diagram evolving of Johari-Window

Chaque quadrant peut être vu comme un chemin différent vers une plus grande authenticité :

  • La Zone Ouverte est là où nous ressentons clarté et facilité. Plus nous pouvons nous montrer ici, plus nos relations deviennent cohérentes. La communication coule naturellement, et nous nous sentons aligné·es.
  • L’Angle Mort invite à l’humilité. Les autres remarquent souvent des qualités, des défauts, ou des schémas que nous ne voyons pas encore. Le retour d’information, bien qu’inconfortable, devient le miroir qui élargit notre conscience.
  • La Zone Cachée nous rappelle que l’intimité a sa place. Certaines parties de nous restent cachées, parfois par honte, parfois par peur, parfois par simple discrétion. Les partager avec soin peut libérer l’énergie nécessaire pour les maintenir secrètes.
  • La Zone Inconnue est le vaste espace des possibilités. Talents pas encore découverts, blessures pas encore reconnues, avenirs pas encore imaginés. Il est à la fois intimidant et libérateur de réaliser que nous contenons plus que nous ne le savons.

La Fenêtre de Johari suggère que le développement de soi n’arrive pas par la volonté seule. Il se fait souvent en amenant ce qui est inconscient, caché ou non reconnu dans la conscience.

Conseils Pratiques pour la Découverte de Soi

La Fenêtre de Johari devient puissante quand nous la mettons en pratique. Voici quelques façons d’explorer vos propres angles morts et zones cachées :

Demandez à des personnes de confiance (L’Angle Mort)

Choisissez des personnes en qui vous avez confiance (ami·es, famille…) Avant de chercher ce type de retour, réfléchissez soigneusement à votre relation avec cette personne. Choisissez quelqu'un·e qui se soucie vraiment de vous et qui a montré qu'iel peut être direct·e sans être cruel·le. Si vous êtes actuellement dans des relations difficiles ou des environnements où le feedback pourrait être retourné contre vous, envisagez de commencer cette exploration avec un·e professionnel·le d'abord. et posez-leur des questions comme :

  • Qu’est-ce que je ne vois pas chez moi ?
  • Sur quoi penses-tu que je pourrais travailler ?
  • Quel défaut ou habitude est-ce que je pourrais ne pas voir ?
  • Quelle qualité ne vois-je pas en moi ?

Vous pourriez être surpris·e par ce que vous entendez. Certaines réponses peuvent être dérangeantes au début. Ce qui signifie généralement qu’elles méritent réflexion. Faites attention à la façon dont le feedback vous touche. Le retour constructif, même quand il blesse, vient généralement avec de la bienveillance. Si quelqu'un·e semble essayer de vous démolir ou donne des critiques dures sans compassion, cela en dit plus sur cette personne que sur vous. Faites confiance à votre instinct sur les points de vue qui valent la peine d'être pris au sérieux.

Notez soigneusement ce que vous entendez. Observez vos premières réactions et notez-les aussi. Vous sentez-vous sur la défensive ? Soulagé·e ? Curieux·se ? Votre réponse émotionnelle peut révéler autant que le feedback lui-même. Rappelez-vous, il n'y a pas d'urgence pour ce travail. Si les questions vous semblent trop intrusives pour le moment, c'est aussi une information précieuse. Vous pouvez commencer avec des questions plus légères ou attendre de vous sentir plus prêt·e. L'inconfort sera probablement toujours plus ou moins là. Cela ne signifie pas qu'il faut s'arrêter ; cela signale qu'on approche quelque chose de significatif. Néanmoins, il faut toujours procéder avec précaution. Une fois cela fait, le vrai travail commence : demandez-vous « Qu’est-ce que je veux faire de cette information et de ces émotions ? »

Cherchez des récurrences ; quand plusieurs personnes vous font le même retour, c’est le signe que vous avez découvert un véritable angle mort. C’est crucial car les schémas que plusieurs personnes remarquent révèlent souvent quelque chose d’important sur nous et sur notre manière d’être dans nos relations.

Demander du feedback ne signifie pas être seul·e dans cette démarche. Ce qui nous échappe peut être évident pour les autres. Souvent, c’est criant d’évidence pour un·e professionnel·le. C’est une raison pour laquelle l’accompagnement peut être efficace : il crée un espace sûr où ce qui est caché peut émerger, en douceur mais avec clarté.

Partager avec Soin (La Zone Cachée)

L’autre versant de la conscience de soi n’est pas à propos de recevoir du feedback, mais de ce que nous choisissons de révéler. Nous portons tous·tes des parties de nous qui restent cachées; parfois par protection, parfois par honte, parfois simplement parce qu’on n’a jamais trouvé le bon moment pour les partager. Apprendre à faire émerger des parts de cette zone cachée peut être profondément libérateur. Cela réduit l’énergie dépensée à maintenir le masque et approfondit souvent notre sentiment de connexion avec les autres.

Mais partager n’est pas toujours simple. La vulnérabilité n’atterrit pas tout le temps où on l’espère. Certaines personnes pourraient mal comprendre, juger, ou même retourner contre nous ce que l’on partage, tandis que d’autres ne savent peut-être pas comment l’accueillir avec soin. C’est pourquoi choisir la bonne personne est aussi important que choisir quoi partager. Ami·es de confiance, famille bienveillante, ou espaces professionnels comme le coaching et la thérapie offrent le type de sécurité où partager peut vraiment libérer plutôt que de renforcer l’insécurité.

Pour identifier ce que vous voulez partager et à qui, vous pouvez vous poser des questions comme :

  • Quelle partie de moi me pèse de porter seul·e ?
  • Qui dans ma vie me semble assez sûr·e pour l’entendre ?
  • Par quel petit morceau pourrais-je commencer ?

Écrire sur ce que vous retenez, même si personne ne le lit jamais, peut aider à clarifier ce qui vous pèse de porter seul·e et ce qui pourrait être prêt à être partagé.

Une façon douce de s’entraîner est de commencer petit. Partagez quelque chose qui vous semble personnel mais pas étouffant, et soyez attentif·ve, à la fois à ce que vous ressentez dans votre corps et à la façon dont l’autre personne répond. Si la réponse est bienveillante, vous pouvez approfondir avec le temps. Si elle est méprisante ou méchante, c’est une information précieuse sur les endroits où votre vulnérabilité est bienvenue ou pas. Vos émotions sont de bons guides : elles peuvent vous dire si vous êtes prêt·e à partager, autant que si l’autre personne semble suffisamment sûre pour vous.

En accompagnement, ce processus se déroule presque naturellement. L’espace est intentionnellement conçu pour être libre de jugement, un endroit où ce qui a été porté en silence peut enfin être dit. Quand ces parts cachées sont révélées, elles ne changent pas seulement la façon dont les autres nous voient ; elles changent la façon dont nous nous voyons. Partager avec un·e professionnel·le offre souvent le chemin le plus sûr, car votre vulnérabilité sera accueillie avec soutien et bienveillance. Les professionnel·les restent humain·es. Parfois, iels peuvent mal réagir à cause de leurs propres problèmes non résolus ou par manque de professionnalisme. Si quelque chose vous semble étrange, écoutez cet instinct. Cela peut signifier que vous n'êtes pas encore prêt·e à partager, ou que l'alchimie avec cette personne n'est pas bonne, dans ce cas, il vaut mieux chercher quelqu'un·e d'autre.

Potentiel de Transformation (La Zone Inconnue)

La zone la plus mystérieuse de la Fenêtre de Johari est l’inconnue : les aspects de nous que ni nous ni les autres ne pouvons clairement voir. Loin d’être un vide ou une faiblesse, cette zone contient des potentialités. C’est là que vivent les forces inexploitées, les schémas cachés et les désirs inexplorés.

Nous rencontrons généralement l’inconnu dans les moments de changement, quand la vie nous met au défi de façons inédites. Un nouveau rôle, une crise ou une opportunité inattendue peuvent faire émerger des qualités qu’on ne se connaissait pas. Parfois ces découvertes nous donnent du pouvoir, d’autres fois elles nous troublent, mais elles élargissent toujours notre sens de qui nous sommes.

Ce quadrant concerne moins la recherche de réponses que la cultivation de la curiosité. Explorez de nouvelles expériences, prêtez attention à ce qui vous donne de l’énergie, ou tenez un journal sur les moments où vous vous êtes surpris·e. Cela crée des conditions où l’inconnu peut graduellement devenir connu. Ce qui émerge n’est pas toujours prévisible et c’est le but. La transformation ne vient pas en répétant qui on a toujours été, mais en permettant à de nouvelles possibilités de prendre forme.

Limites de l’Outil

La Fenêtre de Johari est puissante dans sa simplicité, mais comme tout modèle, elle a des limites.

La complexité sous la surface : Bien que la Fenêtre de Johari offre un cadre utile, la psychologie humaine ne rentre rarement dans des cases bien nettes. Un traumatisme passé peut rendre certaines zones dangereuses à explorer. Des problèmes de santé mentale peuvent affecter la façon dont nous percevons le feedback ou notre capacité à être vulnérable. Certains schémas ne sont pas juste des « angles morts » à découvrir ; ils peuvent être des mécanismes de protection développés pour de bonnes raisons. Le modèle est un point de départ pour la réflexion, pas une carte complète de la psyché humaine.

Différences culturelles : Tout le monde ne grandit pas dans un environnement qui encourage le feedback direct ou l’auto-dévoilement. Dans certaines cultures, l’intimité est une forme de respect, et la communication indirecte ou le maintien de l’harmonie sont plus valorisés que la conscience de soi individuelle. Comme pour tout, honorez ce qui vous semble juste.

L’angle mort n’est pas toujours une « vérité » : Ce que les autres voient en nous peut relever autant de la projection que de la perception. Le feedback peut être un miroir, mais parfois il reflète plus celui ou celle qui le donne que vous. Si quelque chose vous semble douloureux, remarquez ce sentiment mais rappelez-vous aussi que vous avez le dernier mot. Tous les retours ne sont pas justes, et c’est à vous de décider ce qui résonne et ce qui ne résonne pas.

Expériences passées avec la critique : Si vous avez vécu de la manipulation psychologique ou du feedback malveillant, l’idée de chercher activement des commentaires sur vos angles morts peut sembler dangereuse. Vos instincts protecteurs existent pour de bonnes raisons, et le soutien professionnel pourrait être un point de départ plus sûr que de solliciter les gens de votre entourage.

L’inconnu n’est pas toujours accessible : Certains aspects de nous peuvent ne jamais complètement émerger et c’est normal. Le développement ne consiste pas à tout découvrir, mais à trouver la paix avec ce qui est déjà là, visible ou non.

Quand vous l’utilisez avec discernement, la Fenêtre de Johari peut déclencher des conversations riches de sens. Ce n’est pas le portrait complet de qui nous sommes mais c’est une fenêtre qui vaut la peine d’être ouverte.

Pour Aller Plus Loin

Si ce cadre vous parle, il existe des façons simples de l’explorer dans votre propre vie :

Par l’écriture : Écrivez sur les parties de vous que vous avez tendance à garder privées, ce que vous remarquez dans vos propres schémas de dissimulation et ce que cela pourrait révéler. Écrivez sur les retours qui vous sont restés, qu’ils soient valorisants ou dérangeants. Qu’est-ce que cela révèle sur la façon dont vous vous voyez, et dont les autres vous voient ? Essayer de remplir chaque quadrant sur une grande feuille peut aider à visualiser le processus.

Dans la vie quotidienne : Observez votre propre « fenêtre » dans les conversations de tous les jours. Qu’est-ce que vous retenez ? Qu’est-ce que les autres vous renvoient ? Où sentez-vous les bords de l’inconnu ?

En accompagnement : Une séance de coaching peut vous aider à voir ce qui est difficile à remarquer par vous-même et créer un espace sûr pour faire émerger les parties cachées.

La Fenêtre de Johari nous rappelle que nous sommes toujours plus complexes que nous ne le pensons. Ce que nous ignorons de nous n’est pas un défaut à corriger, c’est un territoire à explorer. La question n’est pas de savoir si nous avons des angles morts ou des zones cachées, mais si nous sommes prêt·es et curieux·ses pour découvrir ce qu’elles pourraient révéler.

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